Témoignages
A la fin de sa vie, nous avions déjà eu l’occasion, Mohammed Dib et moi, d’évoquer ce qui pouvait rester de ce que nous avions fait chacun dans notre domaine. Car il avait l’indulgence de me mettre sur le même plan que lui, même quand je lui disais qu’il était un grand écrivain français. Nous étions très sceptiques sur la possibilité de retenir encore l’intérêt après notre disparition. Pour ma part, j’ai amplifié ce scepticisme me concernant, mais ni lui, ni moi ne pouvions deviner qu’il se trouverait des héritiers aussi attentifs que tous ceux que vous avez su réunir… J’ai beaucoup aimé Mohammed. Il m’a souvent manqué. Je vous remercie pour lui de ce que vous faites, comme si j’étais l’un de ses parents…
Jean Daniel, écrivain, fondateur du journal Le Nouvel Observateur
Mohammed Dib est un écrivain pour tous les horizons. Sa pensée et sa démarche touchent à l’universel. Chacun peut s’y retrouver.
Dominique Aguessy, écrivaine et sociologue
L’œuvre de Si Mohammed est protéiforme et, comme dans le cas de tout grand artiste, ouverte à de multiples lectures (…). La portée universelle de son œuvre passe, il est vrai, par une revendication très claire des idéaux humanistes et des valeurs démocratiques. Mais il est non moins évident pour moi que cette posture doit autant à sa longue expérience de la culture occidentale (dans sa vie personnelle et dans sa formation intellectuelle) que dans son ancrage (complexe et souvent critique, il est vrai) dans une tradition culturelle qui déborde très largement les limites étroites (même si elles sont aussi constitutives de son évolution, comme il s’en explique admirablement dans « Tlemcen ou les voies de l’écriture ») de la mémoire tlemcénienne. Je parle ici des valeurs humanistes transmises par des générations de familles maghrébines et qui, avec les spécificités inhérentes à un contexte socio-historique particulier (celui du Maghreb arabo-berbéro-judéo-musulman), ne sont pas fondamentalement différentes de celles que l’Occident exhibe avec, parfois, quelque complaisante hypocrisie.
Mourad Yelles, professeur des universités en littératures maghrébines et comparées à l’INALCO
J’estime que l’œuvre de Mohammed Dib n’a eu en France ni la diffusion, ni la reconnaissance qu’elle mérite. Et je pense qu’il a dû lui-même beaucoup en souffrir. La finesse de sa perception et son intelligence des choses lui ont certainement fait comprendre combien ce relatif oubli était pour partie dû aux circonstances historiques, à leur héritage dans les consciences et les comportements. L’ironie douce-amère qu’il consacre à la francophonie, cette marge alors définie par sa seule marginalité, son rang second pour dire les choses crûment, ne laissent aucun doute. Pour ma part, j’entends défendre l’idée que [Dib] n’est pas seulement « un auteur algérien », ce qu’il est assurément et indiscutablement, mais aussi « un auteur français » au plein sens du terme. Qu’il est surtout un grand auteur, un très grand styliste de la langue française, et cela sans qualificatif nécessaire de nationalité. Pourquoi serait-ce une qualification obligée à son égard, sinon par nationalisme déplacé, alors que ça ne l’est pas pour tous ceux dont l’œuvre fait qu’ils se situent au delà de ces divisions, qu’ils parlent au nom et à l’intention de l’humanité ?
Paul Siblot, professeur émérite de l’Université de Montpellier
Boualem Sansal, écrivain